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A C T U A L I T É S
Chroniques
 

28 décembre 2018

Les cuvées de prestige - Qu'est-ce qui les distingue?

 

 

En cette période de réjouissances où l’on reçoit parents et amis pour célébrer et festoyer, le champagne est devenu un incontournable. Pour répondre à la demande croissante de ce vin indissociable de la fête, l’offre s’est accru considérablement, au fil des ans, tant à la SAQ qu’en importation privée.

On dénombre actuellement plus de 300 champagnes dans les succursales de la société d’état. On en trouve de tous les styles et pour toutes les bourses … ou presque! La gamme englobe autant d’excellents champagnes offerts à moins de 50 $ que des bouteilles d’exception valant plusieurs centaines de dollars, trônant sur des présentoirs en retrait des autres champagnes : ce sont les cuvées de prestige… les Dom Pérignon, Cristal de Roederer ou encore la Grande Dame de Veuve Clicquot et la cuvée S de Salon pour les plus connues.

Avant de définir plus précisément ce qu’est une cuvée de prestige et d’identifier les critères qui expliquent leur prix élevée, remontons dans le temps pour mieux comprendre l’origine de ce concept.

Disons tout d’abord que la cuvée de prestige correspond bien à l’idée que l’on peut se faire du champagne : un vin d’exception, rare, donc cher, réservé à une élite. Cette conception tire son origine de l’époque où le champagne était un vin destiné à la noblesse et que l’on qualifiait alors de vin des rois.

De fait, il existe un lien étroit qui unit depuis très longtemps le vin de champagne à la monarchie et qui remonte à très loin dans l’histoire de France. Il faut rappeler d’abord, que jusqu’au Moyen Âge, dans les pays de la Chrétienté, ce sont les religieux qui s’occupent de la vigne : le vin est consacré et bu au cours de la messe – et la rencontre de la géographie et de l’histoire va offrir aux vins de Champagne un destin hors du commun.

C’est en effet Saint Rémi, évêque de Reims qui baptise Clovis le jour de Noël 496. Le premier roi de France est donc sacré en Champagne, dans la Cathédrale de Reims, et en même temps les vins de Champagne voient leur statut consacré. À partir de ce moment et jusqu’en 1825 (sacre de Charles X), soit pendant plus de treize siècles, tous les souverains français (33) seront couronnés à Reims et le champagne va devenir le vin des sacres, le vin des rois.

Lorsque les vins de Champagne deviennent effervescents au début du 18e siècle, ils remportent un succès immédiat auprès des monarques, des nobles et des bourgeois fortunés. Ils sont séduits par ce vin pétillant, brillant et par la griserie qu’il procure. En outre, ils sont les seuls à pouvoir se le procurer, en raison de son prix élevé.

Mais, c'est au 19e siècle que le Champagne va connaître ses heures les plus glorieuses et qu’il fera tourner toutes les têtes couronnées d'Europe.

Plusieurs maisons vont alors développer des liens privilégiés avec ces clientèles fortunées afin d’acquérir le statut enviable de « fournisseur attitré» de la cour, qui va leur assurer des revenus récurrents importants.

Ainsi :

À la demande de leurs illustres clients, les maisons vont raffiner encore d’avantage leur vin en élaborant  des « cuvées spéciales » dignes de leur rang, telle la cuvée Cristal créé par Roederer en 1876, pour le tsar Alexandre II.

Pour rappeler cette époque glorieuse, la plupart des maisons les plus anciennes et les plus importantes sont fières d’inclure, encore aujourd’hui, dans leur curriculum, leur statut de fournisseur de telle cour d'Europe ou de tel monarque.

Plusieurs d’entre elles rappellent également l'importance de cette période, par le vocabulaire et les expressions qu'elles utilisent encore aujourd’hui pour désigner certaines de leurs cuvées. Ainsi on retrouve :

L'habillage des bouteilles témoignent également du statut prééminent (du moins, c'est celui que l'on cherche à promouvoir) du vin de Champagne et se son orientation élitiste. On peut ainsi constater clairement que ce n'est pas un vin comme les autres.

Les étiquettes les plus classiques conservent aujourd'hui encore des calligraphies anciennes, utilisées jadis pour écrire le nom « sacré » du roi, que l'on enveloppait de volutes en signe de respect.

Bien que le concept, lui, soit assez ancien, comme nous venons de le voir, la dénomination « cuvée de prestige » est relativement récente - on parlait auparavant de « cuvées spéciales » et décrit bien la nature de ces vins uniques.

Mais qu’est ce qu’une cuvée de prestige ? Quels sont les critères qui permettent d’établir que tel champagne appartient à cette aristocratie des vins

Il s’agit, la plupart du temps, de cuvées millésimés, élaborées le plus souvent(1) par des négociants-manipulants, autrement dit les maisons de champagne (ou encore maisons de négoce) à partir des meilleurs terroirs de la Champagne, (Grands Crus), après une sélection rigoureuse des raisins et un vieillissement optimal qui peut prendre de huit à douze ans, voire plus. Ces cuvées sont conçues pour renforcer l’image de marque de ces maisons.

Leur élaboration et leur commercialisation souvent confidentielles en font une vitrine de luxe pour la Champagne. Les cuvées de prestige ne représentent effectivement que 5 % en volume de la production de champagnes.

Le principal facteur définissant une cuvée de prestige est la sélection des vins qui la composent : cette sélection doit être la plus stricte possible. Si le champagne millésimé est supérieur au sans année, de par la qualité des vins qui le compose, la sélection est encore plus cruciale pour les cuvées de prestige. Et si les vins sélectionnés pour un millésime sont une emphase volontaire de l’année concernée, ceux destinés à des cuvées de prestige sont choisis pour amplifier le style de la maison ou la philosophie du vinificateur.

Certaines cuvées sont délibérément orientées vers les Chardonnays : Femme de Champagne de Duval Leroy, Noble Cuvée de Lanson, Louise de Pommery, etc. ou sont carrément des Blanc de Blancs : Cuvée S de Salon, Clos du Mesnil de Krug, Amour de Deutz etc.

D’autres sont dominées par le Pinot Noir : la Grande Dame de Veuve Clicquot, Rare de Piper-Heidsieck, le Clos des Goisses de Philipponnat … ou élaborées avec ce seul cépage : Vieilles vignes françaises de Bollinger, Clos d’Ambonnay de Krug, Clos St-Hilaire de Billecart-Salmon, etc.

Cela dit, une sélection rigoureuse seule ne garantit pas la production d’un grand champagne … Il n’y pas de cuvée de prestige sans grand vinificateur.

Pour les grands champagnes, des flacons d’exception

Ces précieux assemblages logent dans de somptueuses bouteilles aux formes souvent exclusives placées dans des coffrets luxueux. Leur prix toujours très élevé peut parfois devenir exorbitant. Exemple : Vieilles vignes françaises de Bollinger, Clos du Mesnil et Clos d’Ambonnay de Krug …

Ces cuvées incarnent la richesse et la réussite. Elles se veulent également l’expression du luxe et du raffinement – d’un mode de vie autrefois réservé à l’aristocratie. Pour en promouvoir l’image de marque on les associe souvent, dans les publicités, à de grandes vedettes du cinéma, de la musique, à des sportifs renommés, ou à d’autres illustres personnages réels ou fictifs.

En conclusion, on peut dire que les cuvées de prestige constituent l’essence même du champagne qui de vins des rois  va devenir le roi des vins.

 

Jean-Pierre Tremblay
Président

 

(1)À l’exemple des grandes maisons et pour se faire connaître d’avantage à l’étranger, certaines coopératives et de plus en plus de récoltants-manipulants (les vignerons) élaborent également des cuvées de prestige. Sans atteindre le niveau de celles produites par les maisons champenoises, la qualité de ces cuvées est en nette progression. Ex : Club trésor de Champagne pour les R-M et cuvées D de Devaux, Les Échansons et L’Intemporelle de Mailly Grand Cru, etc…